Trois Regards
Trois Regards Scénario
Format Cahier 21*29,7 Broché 124 pages ISBN
978-2-918342-06-9
© 2011 -
Marc POTTIER
Germain vient régulièrement au Tréport à la rencontre
de souvenirs d'enfance. Il va incidemment croiser les regards de trois personnes
se dirigeant vers leur dramatique destin. Il n'en aura pas conscience sur le
moment, mais une année après à la faveur de rencontres, ces images vont se
réactiver en lui et le faire entrer dans leur histoire.
Une jeune femme algérienne, Yasmina le
premier regard, est morte dans des circonstances inexpliquées. Le second regard,
un enfant, va disparaître à son tour. Un vieil homme va utiliser l'intérêt de
Germain pour ces drames afin de perpétuer la mémoire de Yasmina. Germain
enquêtera et retrouvera Hervé le troisième regard, un début d'éclaircissement
aussi.
La mort du vieil homme et la révélation
qu'il fait de manière posthume de ses liens avec Yasmina rétabliront la vérité.
C'est lui, en souvenir de l'amitié qu'il avait pour son père pendant la guerre
d'Algérie qui l'a fait venir avec l'espoir de lui redonner goût à la vie.
Lieutenant de l'armée française il avait
dû abandonner son ami harki qui a subi le sort de nombre de ses pairs et a été
égorgé sur les quais d'Alger.
Ce drame, la vie dans son pays déchiré,
un amour perdu et Yasmina est morte en elle-même. Á travers ce récit, quatre
hommes l'aimeront : le vieil homme tel un père, Hervé amant qui ne parviendra
pas à la faire revivre, l'enfant qui sera proche d'y parvenir mais, jaloux de
son indépendance, s'y refusera, Germain, enfin, à sa façon et de manière
posthume.
L'enfant prendra trop tard conscience de
son attachement à Yasmina, enchaîné à une maîtresse morte, il disparaîtra à son
tour.
Yasmina n'est pas morte : par la volonté
du vieil homme, elle vit dans le souvenir de deux hommes qu'elle a réuni.
Flash-back 2 - scène 14-1 : la rencontre avec Yasmina. 1994
cf. annexe
Elle se disait bien avec moi, c'était tout, elle venait à chacun de nos
rendez-vous, mais repartait toujours en tristesse. Je ne savais que faire, je
lui portais des fleurs, des cadeaux simples, elle souriait, les prenait et
s'enfuyait en mélancolie. Je lui parlais beaucoup, elle me répondait par
politesse, pour me faire plaisir, mais jamais elle ne me parlait d'elle. Je
n'osais plus la questionner, au début j'essayais, et chaque fois elle
s'enfermait davantage.
Flash-back 3 scène 14-1 : un peu de leur vie, la tristesse de Yasmina. 1995
cf. annexe
Je lui racontais la mer, les ports, toute ma vie ; c'est la première fois
je vous jure que je parlais ainsi contre mon gré. Les autres filles, je leur en
mettais plein la vue avec mes histoires et jamais je ne tarissais ; seulement au
lit, et encore. Avec elle, je parlais pour meubler, pour que dure le temps,
seulement pour que dure le temps, pas pour me vanter. Nous nous sommes un peu
aimé, chaque fois c'était une épreuve, je l'aimais, je vous jure que je l'aimais
mais ne la sentais pas vibrer, comme si sa tête était détachée de son corps. Je
me suis lassé de ce corps qui ne me parlait pas, mais nous avons continué de
nous rencontrer, souvent, aussi souvent qu'on le pouvait.
Flash-back 4 - scène 14-1 : plus amants mais amis 1996
Un jour je compris qu'il y en avait un autre, elle était différente, elle
avait en elle de la joie, une joie que jamais je n'avais su lui procurer. Elle
me recevait toujours en gentillesse, mais elle était deux fois ailleurs. Plus
allait le temps et plus il m'insupportait de la savoir heureuse d'un autre. J'ai
commencé à perdre la tête, j'ai repris des habitudes que j'avais abandonnées :
j'ai bu, beaucoup bu, et mon caractère s'en ressentait.
Flash-back 4 scène 14-1 : Yasmina après sa rencontre avec l'enfant. 08/1996
Même avec elle. Elle ne disait rien, elle sentait mon malheur et son
impuissance à agir sur lui, elle ne savait qu'attendre et me témoigner une
immense tendresse, inactive. Je sentais cet autre et le bonheur qu'il lui
procurait. Je ne pouvais plus le supporter. Je l'aimais trop, j'ai préféré
partir, elle ne m'a pas retenu.
Flash-back 5 scène 14-1 : la séparation. 09/1996
Je me suis éloigné, tout près, je ne voulais pas tuer l’espoir d’un seul
coup ; j’ai trouvé cet embarquement sur la « Marie bon vent ». Je savais que de
temps à autre elle me ramènerait, au hasard et sans que j’intervienne. Je
m’abandonnais au destin.
Flash-back 6 scène 14-1 : Hervé sur la Marie bon Vent 1996-97
Á chaque passage, j’essayais de me rapprocher d’elle, seulement me
rapprocher, je hantais nos lieux ; parfois, j’osais sa fenêtre. Jamais je ne
l’ai vue, elle devait rester chez elle, leurs rencontres n’étaient pas à ciel
ouvert. Plusieurs mois se sont passés, aucune aventure ne put me distraire
d’elle. Un jour, enfin, je l’ai aperçue, je n’ai pu m’empêcher de la suivre de
loin, très loin. Je n’avais pas à me cacher, elle suivait son chemin sans
prendre garde de l’entour. Ceux qui la croisaient devaient le sentir, qui
l’évitaient. Elle allait vers lui d’une superbe absence. Je la suivais, mon
impuissance à la rendre heureuse m'empêchait d'en faire davantage, je me
nourrissais du seul bonheur de la regarder.
Flash-back 7 scène 14-1 : Hervé suit Yasmina et voit l'enfant. 09/1997
C'est alors que je les ai vus. Elle descendit les marches qui mènent vers
le port, elle s'installa, semblait attendre en regardant la mer. En fait la
contournant j'ai su qu'elle ne regardait pas la mer mais un jeune garçon qui
était accoudé à une fenêtre, qui lui aussi la regardait, ils passèrent un temps
fou à se regarder par dessus une invisible frontière. Elle repartit vers sa
maison, un sourire en empreinte.
Flash-back 8 scène 14-1 : “Hervé se noie sous des tonnes d'alcool” 09/1997
Je ne comprends pas bien la rage qui s'est emparée de moi, soudain je
voyais que l'autre n'était pas un homme mais un enfant, que cet enfant avait su
par ses regards, par ses silences lui procurer ce que jamais je n'avais su lui
apporter. J'étais fou, fou-jaloux d'un enfant. On ne contrôle pas la jalousie,
c'est trop violent, elle s'est emparée de moi et m'a jeté au cœur des idées
insensées. J'ai voulu m'en défendre, j'ai voulu la défendre de moi et je me suis
enfui. Vers les bars, toute la nuit, j'ai erré, j'ai bu, je me suis enfoui sous
des tonnes d'alcool. Je me suis effondré d'une masse au bord des quais et j'ai
dormi. C'est le froid qui m'a réveillé. J'étais un peu calmé, je suis monté vers
elle, là, je vous ai croisé.
Flash-back 9 scène 14-1 : Rencontre avec Germain. 09/1997
Votre regard, je m'en souviens, c'est le premier que je rencontrais après
cette folle nuit, vous étiez le premier qui me voyait après cette immense folie
de jalousie. Et vous étiez curieux, je vous ai regardé comme si vous étiez le
premier homme que je rencontrais. Je me suis imprégné de votre visage, je me
suis raccroché à votre image, j'allais vers l'inconnu et vous étiez mon dernier
port. J’ai fait encore quelques pas, je ne sais quelles étaient mes intentions,
j’allais vers elle. Mais votre regard m’avait jeté le doute, je revenais sur la
planète. Je me suis assis et j’ai laissé filer ma tête, j’ignore combien de
temps. Je me levais alors et allais lui porter mon adieu, je venais de décider
de partir au loin, à jamais.
Seulement voilà l’adieu viendrait d’elle, l’avais-je senti? Quand je suis
arrivé, elle était morte, allongée simplement sur le bord de son canapé. Elle
avait sur la bouche un sourire que je ne lui connaissais pas, elle était en
bonheur. Je me suis trouvé tout petit enfant, sans moyen, apaisé. Je n'étais pas
triste, je crois que c'est de voir ce sourire qui me mettait en paix.
Flash-back 10 scène 14-1 : Yasmina sur son lit de mort. 09/1997
Alors je l'ai quittée, j'étais de trop, je n'étais pas de ce bonheur.
Personne ne m'avait vu, il suffisait de m'effacer. J'ai lu les journaux les
jours suivants, le mystère de sa mort, je n'en ai rien compris. Je sais qu’elle
est toujours au fond de moi.
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